Lier art et développement durable au sein d’un projet pédagogique

Mardi 4 juillet 2023

Croiser le domaine artistique et sensible et les questions de développement durable peut permettre de répondre à un objectif commun : sensibiliser les jeunes aux enjeux planétaires contemporains pour agir.

Comment EAC et EDD peuvent-elles s’enrichir l’une l’autre au sein d’un projet ? Exemple avec le spectacle Histoires de fouilles du comédien David Wahl.

L’éducation au développement durable, qui a pour objectif de « fournir une boussole aux élèves, qui leur permette […] de fonder leurs engagements citoyens pour un monde soutenable et respectueux » (circulaire de 2020), s’est structurée autour des dix-sept objectifs de développement durable (ODD) fixés par les Nations unies dans le cadre de l’Agenda 2030. À travers son spectacleHistoires de fouilles, David Wahl, auteur et comédien, a choisi d’aborder l’emploi des matières plastiques par une entrée sensible, à la croisée de l’art et du développement durable.

Intégration de la vidéoHistoires de fouilles

Histoires de fouilles est un spectacle jeune public pendant lequel deux savants fous creusent dans un bac à sable jusqu’à trouver tout un tas de choses, et notamment du pétrole. « Le bac à sable est une sorte de porte pour pénétrer les secrets géologiques de la planète, illustre David Wahl. Et ça va être un prétexte à parler de cette histoire un peu curieuse et assez méconnue du plastique. » Engageant une réflexion sur la consommation de matières plastiques, ce spectacle répond à l’ODD 12 (production et consommation responsables), mais il croise aussi les enjeux de préservation de la biodiversité (ODD 14, ODD 15) et de qualité de l’eau (ODD 6).

 

« Une construction émotionnelle du savoir »

Si le milieu artistique a commencé à s’emparer des enjeux environnementaux dans les années 1960 (avec les prémices de ce qu’on appelle l’art écologique), les préoccupations liées au développement durable ont aujourd’hui une place centrale dans les pratiques artistiques contemporaines.

Pour David Wahl, « une narration faite par des artistes dit des choses de manière différente ». Son travail n’est pas de faire de la vulgarisation scientifique, mais de porter un autre regard – poétique – sur les faits scientifiques. « Il y a dans la science pour moi les matières premières d’une construction émotionnelle du savoir. Comprendre que le plastique c’est aussi de la matière géologique, parce que c’est un peu du dinosaure mort, c’est du pétrole. Alors là tout de suite on voit les choses de manière différente. »

D’ailleurs, de grands centres de culture scientifique font appel à des artistes pour transmettre différemment les savoirs, et voient en l’art une façon de faire de la médiation scientifique au service de la construction d’une citoyenneté éclairée. David Wahl, par exemple, est auteur associé à Océanopolis (Brest), et des structures de recherche l’accueillent afin d’alimenter son travail de création (comme le Muséum national d’histoire naturelle ou l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).

De l’émotion… à l’éducation artistique et culturelle

Le rapport à l’œuvre induit en effet une émotion, qui est une amorce, mais n’est pas une fin en soi. Pour développer un projet à visée pédagogique, il est nécessaire de dépasser cette émotion en mobilisant les trois piliers de l’éducation artistique et culturelle (rencontrer, pratiquer, connaître). Ces piliers sont, au-delà de l’EAC, une boussole pédagogique pour toutes les éducations transversales comme l’éducation au développement durable.

Nicolas Bourriaud, historien de l’art, dans son ouvragePlanète B. Le sublime et la crise climatique, insiste sur une nécessaire réflexion autour de l’œuvre artistique : « L’art induit une autre manière d’habiter le monde. C’est pour cette raison qu’un art de lanceurs d’alerte, ou réduit à un simple militantisme environnemental ne peut pas nous suffire. […] Nous avons besoin de perspectives, d’idées, de contextualisation, pour appréhender ces formes. »

Dans le cas des ateliers proposés autour du spectacle Histoires de fouilles, les comédiens passent une demi-journée avec les élèves, en amont ou en aval de la représentation. L’objectif est alors d’éveiller l’imaginaire des enfants sur les thématiques abordées dans le spectacle, tout en y mêlant une première approche de la pratique théâtrale. Par exemple, les CE1 de l’école du Grand Léjon (Plérin) ont participé, en partenariat avec la scène nationale La Passerelle, à un atelier de mime sur la thématique des dégâts du plastique dans différents milieux du globe terrestre.

Si les ateliers accompagnant la fréquentation d’une œuvre développent les capacités d’action et de mobilisation des élèves, ils peuvent aussi permettre aux jeunes de décoder un propos artistique, ce qui pour David Wahl est nécessaire : « L’urgence fait que tout va tourner autour de notre nouvelle aptitude à pouvoir penser autrement l’environnement. »

Jérémy Blin, Stéphanie Didot, Aourell Guivarch-Tonnard, Chloé Orveau

Pour aller plus loin

La série de podcasts “L’art est l’environnement” sur France Culture

L’article “Quel rôle pour la culture dans le développement durable” sur le site d’Artcena

Le numéro “Transition écologique. Agir, maintenant” de la revueThéâtre(s)